"Être superficiel avec style est plus difficile que être trop profond. Dans le premier cas, il faut beaucoup de culture; dans le second, un simple déséquilibre des facultes. La culture est nuance; la profondeur, intensité. Sans une dose d'artificiel, l'esperit humain se brise sous le poids de la sincerité, cette forme de barbarie." (p. 35)
"Rien ne blesse plus l'intelligence que le patriotisme." (p. 56)
"L'arrachement aux valeurs et le nihilisme instinctif contraignent l'individu au culte de la sensation. Quand on ne croit à rien, les sens deviennent religion. Et l'estomac finalité. Le phénomène de la décadence est inseparable de la gastronomie." (p. 60-61)
"Tous les pays ratés participent de l'équivoque du destin judïque: ils
sont rongés par l'obsession de l'implacable inaccomplissement. Comme si nous n'étions pas nés dans notre élément, la 'patrie' est un symbole d'interminables doutes, un point d'interrogation qui ne trouve pas sa réponse - ni ethnique, ni sentimentale, ni même géographique." (p. 64)
"Un déclin qui ne se comprend pas perd sa poésie dans le ridicule." (p. 65)
"Les pays sans accomplissement naturel sont ceux qui ont besoin de la parade théorique du devenir..." (p. 72)
"Une intelligence en éveil, mais sans le soutien de la vitalité, devient l'instrument artificiel des petits faits quotidiens, de la chute dans une médiocrité sans remède." (p. 74)
"Elle [la France] n'a pas le sens des mondes souterrains et n'est pas poursuivie par les essences,mais elle est le pays du phénomène en soi. Un paysage de Monet - qui épuise la poésie du visible - le satisfait. L'impressionisme est l'apparition la plus naturelle de l'art français, d'une certaine manière la conclusion du génie français. Si les apparences sont tout, la France a raison. (p. 78)
"Une fois nos symboles abolis par la lucidité, la vie est une flânerie amère parmi des temples abandonés." (p. 82-83)
"Le concept de progrès - sur le plan historique, un refus de la mort -, qui a germé à partir de l'optimisme le plus dynamique et superficiel, pèche par son manque de base métaphysique. Croire à une éternelle et incurable progression équivaut à se bander les yeux pour ne pas voir l'essentiel. La déficience métaphysique de l'homme moderne ne peut se révéler plus significativement que dans ce concept. (p. 90-91)
Cioran, De la France, Paris: L'Herne, 2009, 2011.
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