lunes, 8 de septiembre de 2008

E.M. Cioran dans "Un siècle d'écrivains"

Film de Patrice Bollon Réalisé par Bernard Jourdain

Une Coproduction : France3 / Interimage / Sunset Presse (1999)

SOLITUDE

Pour moi, l’acte d’écrire est une sorte de dialogue avec Dieu. Je ne suis pas croyant, mais je ne peux pas dire que je sois incroyant. Pour moi, la rencontre avec Dieu, c’est peut-être dans l’acte d’écrire. Une solitude qui en rencontre une autre, une solitude face à une solitude... Dieu étant plus seul qu’on ne l’est soi-même.

L’ACTE D’ÉCRIRE

Au fond, avec l’âge, tout s’épuise, même le cynisme. Je n’ai pas dépassé le cynisme, comme attitude théorique, je ne l’ai pas dépassé. Mais on le dépasse sur le plan affectif. Tout s’use. Je n’ai aucune raison de revenir sur ce que j’ai écrit. Dire : je me suis trompé, les choses dans le fond ne sont pas si terribles que ça... Non. Mais les choses qu’on a exprimées, on n’y croit un peu moins. Pourquoi ? Elles se détachent de vous. En ce sens, le fait d’écrire – c’est connu, tout le monde le dit – est une sorte de profanation, parce que les choses auxquelles vous croyez intégralement, à partir du moment où vous les avez dites, elles comptent moins.

SUICIDE

Ce qui m’a sauvé, c’est l’idée de suicide. Sans l’idée de suicide je me serais sûrement tué. Ce qui m’a permis de vivre, c’est que j’avais ce recours, toujours en vue. Vraiment, sans cette idée je n’aurais pas pu supporter la vie. L’impression d’être coincé ici, par je ne sais quoi. Pour moi, l’idée de suicide est toujours liée à l’idée de liberté. J’ai remarqué que, dans la vie, il y a très peu d’êtres qui ont compris. Vous pouvez rencontrer de très grands écrivains qui n’ont rien compris, des gens qui ont énormément de talent, qui ne valent rien. Au contraire, vous pouvez rencontrer quelqu’un dans la rue, dans un bistrot, qui a eu une révélation : c’est un homme qui a approfondi, qui s’est frotté au grand problème.

VIVRE

Le fait de vivre est une chose si extraordinaire, justement, quand on a vu les choses telles qu’elles sont, que cette vie, qui est totalement dépréciée, disons dans l’œuvre théorique, elle paraît extraordinaire sur le plan pratique. Vivre contre l’évidence : chaque moment devient une sorte d’héroïsme.

NIHILISME

La connaissance, poussée jusqu’au bout, peut être dangereuse, et malsaine, parce que la vie est supportable uniquement parce qu’on ne va pas jusqu’au bout. Une entreprise n’est possible que si on a un minimum d’illusions. La lucidité complète, c’est le néant. Je ne suis pas nihiliste, je ne suis rien, vous savez. C’est difficile à dire. Je suis sûrement un négateur, mais même la négation, ce n’est pas une négation abstraite, un exerice ; c’est une négation qui est viscérale, qui est donc affirmation, malgré tout, c’est une explosion. Est-ce qu’une gifle est une négation ? Donner une gifle, c’est une affirmation. Ce que je fais, ce sont des négations qui sont des gifles, donc des affirmations.

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